Réseaunance internationale | N°2

Le 05/03/2020

La mobilité internationale

Parole d’étudiants en formation en travail social

Les établissements de formation en travail social développent de plus en plus la mobilité des apprenants et la mobilité des formateurs. Dans la dernière parution de sa lettre d’information, ECLAIRAGES, l’IRTS de Champagne-Ardenne consacre ce numéro aux mobilités internationales et présentent notamment des témoignages d’étudiant/e/s en 3ème année de formation éducateur/trice spécialisé/e  parti/e/s en immersion dans d’autres pays… Extraits…

Manon G.

« Lorsque je suis partie en Belgique, je n’avais aucune connaissance de l’autisme et je n’avais non plus aucune connaissance de la Belgique. Je devais donc tout démarrer de zéro. La découverte de ce pays a été rapide et j’ai même eu l’occasion d’aller dans les pays frontaliers (Pays-Bas et Luxembourg). (…)

Quand j’ai commencé ma formation d’éducatrice spécialisée, je ne souhaitais pas faire de stage avec un public autiste. J’avais beaucoup d’a priori, de représentations sur ce syndrome, j’avais peur de ne pas savoir comment faire et ne pas faire. On me disait : « avec les autistes tu ne peux pas créer de lien, tu ne pourras rien faire… ». Il était donc impensable pour moi d’être confrontée à ce public, mais c’était le seul terrain de stage possible en Belgique.

Je dois dire que ce fût une véritable révélation !!! Je ne me suis jamais autant épanouie dans ce que je faisais, je ne me suis jamais sentie autant à ma place dans un lieu de stage. Le fait que l’équipe m’a accueillie à bras ouverts a favorisé cela, mais je pense que c’est aussi et surtout la place que j’ai su prendre durant ce stage. En effet, le fait d’être dans un autre pays (même si ce n’est pas loin !) nous pousse à développer d’autres capacités que nous ne connaissons même pas ! Tout est comme décuplé.

(…) D’après moi, une expérience ERASMUS permet d’apprendre beaucoup plus vite que toute autre expérience. Comme je disais plus haut, tout est décuplé. Un pays différent, une culture différente, des pratiques différentes, des études différentes ! Quand on me demande avec quel public je souhaite travailler une fois diplômée, je réponds : « un public autiste », car ce fut une révélation, un bouleversement professionnel. J’ai vécu cette expérience avec beaucoup d’émotions. Je n’en retiens que du positif. A mon retour, j’ai eu beaucoup trop de retours positifs de tout le monde. On m’a fait des compliments sur ce que j’étais devenue et sur ma confiance en moi. Quand on est à l’étranger les choses se décuplent, notamment face aux problèmes. Donc il faut mettre en place des mécanismes, prendre les choses en main. (…) »

Guillaume F.

« (…) Après un voyage de sept heures, me voilà arrivé avec mes acolytes à Dakar ! DAKAR punaise, j’y suis !!!! Directement mis dans le bain à trois heures du matin, entre les taxis qui nous sautent dessus et qui nous veulent absolument dans leur taxi, la chaleur étouffante de 28 ° à cette heure avancée de la nuit. Je me suis senti tellement bien dès le début, je ne réalisais pas trop où j’étais et que j’étais parti pour vivre ici quatre mois !

Après quelques jours dans la capitale pour s’acclimater au pays et prendre nos repères, nous voilà partis pour rejoindre la structure dans laquelle nous allions effectuer notre stage de seize semaines. Et c’est parti pour une heure trente de voiture jusqu’à la structure, avec des routes « normales », puis des chemins de terre et de sable qui mènent à la structure.

Ces quatre mois de stage, ont été pour moi ponctués de rencontres, de bouleversements et de moments inoubliables.

Je me rends compte quelques mois après mon retour, de l’ampleur de ce que j’ai réalisé et des situations compliquées émotionnellement que j’ai vécues. Je me souviendrai toujours le jour où je suis allé en maraude dans la capitale un soir, et où j’ai rencontré ce petit bout. Il n’avait que huit ans, tout petit, tout maigre et le visage marqué par toutes ces années de rue… Le regard vide, mais à la fois rempli de peur, de souffrance et de violence qu’un enfant de cet âge ne devrait en aucun cas subir. Puis vint le moment de les quitter, de partir sur un autre point de chute avec l’équipe de la maraude pour rencontrer d’autres jeunes. Ce moment déchirant où tu sais que tu dois les laisser, là, seuls alors qu’ils n’ont que huit / dix ans et que leur place n’est pas là. Au moment où je commence à remonter dans le pick-up, un jeune garçon s’agrippe à moi en pleurant et en me criant « s’il te plaît, emmène-moi, emmène-moi ».

L’équipe m’a alors dit de monter dans le pick-up, ils l’ont décroché de moi et nous sommes partis. Ils m’ont ensuite expliqué que ce jeune était dans la rue depuis plus de cinq ans, il n’avait connu que la rue et il ne souhaitait pas aller au centre. Lorsqu’il me disait de l’emmener, il voulait dire par là de l’emmener en France.

Devoir laisser tous ces enfants dormir dans les rues de la capitale était très compliqué pour moi et encore aujourd’hui quand j’y repense. Je savais qu’en les laissant dans la rue, les plus petits allaient se faire violer après notre départ. D’autres continueraient de se droguer jusqu’à s’endormir pour ne plus ressentir la peur, la faim, la douleur et la fatigue de la rue…

Cette expérience n’a pour autant pas été seulement ponctuée de moments difficiles, mais aussi de moments de joie, de bonheur et de partage. Elle m’a permis de vivre des moments pleins d’humanité, qui m’ont changé au plus profond de moi et qui s’ancreront en moi sur le plan professionnel et personnel.

(…) Ce stage m’aura certes bousculé, mais il m’a aussi permis de me rendre compte quel professionnel j’avais envie d’être. J’ai pu réaliser des choses à seulement dix neuf ans que jamais je n'aurais imaginé faire. (…) »

Retrouverez l’intégralité de ces témoignages et d’autres en téléchargeant le numéro complet de la lettre ECLAIRAGES

A noter : Une conférence est organisée le 5 mai 2020 à l’IRTS CA sur " Les retombées des stages internationaux sur le parcours professionnel des travailleurs sociaux " par Dominique Mercure, professeure associée à l’Université Laurentienne de Sudbury au Canada.

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