Réseaunance internationale | n°15 | La mobilité internationale : le témoignage d’une assistante de service social immigrée au Canada

Le 07/05/2021

 

La rubrique « Réseaunance internationale » a pour but de valoriser la dimension internationale des établissements de formation adhérents à l’UNAFORIS, mais aussi des projets d’étudiants ou de professionnels conduits à une échelle européenne et/ou internationale.

 

La mobilité internationale : le témoignage d’une assistante de service social immigrée au Canada

 

La mobilité internationale, c’est aussi la possibilité de s’installer dans d’autres pays...

Rencontre avec Stéphanie Liatard, Diplômée d’État Assistante de service social (ASS) (France), Travailleuse sociale (T.S.) membre de l’OTSTCFQ (Québec) et Maître ès arts (M.A.) travail social (maîtrise universitaire) (Canada), qui revient sur son parcours, partage des conseils sur l’immigration au Canada, mais aussi un formidable message à destination des jeunes...

 

« MON PARCOURS ENTRE LA FRANCE, LA CÔTE D’IVOIRE, PUIS LE CANADA

J’ai suivi ma formation d’ASS (assistante de service social) à l’IFTS d’Échirolles (devenu IFTS - Ocellia Grenoble Echirolles) de 2009 à 2012.

Après l’obtention de mon diplôme d’État, j’ai fait le choix de m’envoler quelques mois pour la Côte d’Ivoire. J’ai pu apprendre de mes collègues et de la population ivoirienne en travaillant au centre social d’Agboville. Une expérience riche en découvertes personnelle et professionnelle ! Aujourd’hui, je peux dire qu’avoir exercé en contexte ethnoculturel a eu un poids important dans la construction de mon identité professionnelle et dans ma découverte de l’approche interculturelle. Entre autres, j’ai autant accompagné de jeunes femmes défavorisées en périnatalité qu’au niveau communautaire, en co-construction avec les chef.fe.s de village et les habitant.e.s du quartier, pour un projet socio-environnemental sur Les méfaits de la salubrité sur la santé et l’environnement.

À mon retour en France en 2013, j’ai postulé à la Sauvegarde de l’Isère où j’ai exercé environ 4 ans auprès de la communauté des gens du voyage à l’APMV (Action Promotion en Milieu Voyageur). J’ai eu la chance de réaliser des interventions individuelles, familiales, de groupe et auprès des communautés. Mon projet « coup de cœur » a été la coordination et l’accompagnement de jeunes ados dans la réalisation d’un clip vidéo (documentaire) : « Ils nous connaissent pas », financé par la CAF et l’APMV, en partenariat avec Images Solidaires.

Malgré mon projet de stage au Québec qui n’avait pas pu aboutir durant ma formation, je n’ai jamais mis de côté mon envie de découvrir « le fameux travail social canadien » et comme en parallèle, j’avais également le projet de poursuivre des études à l’université, j’ai regardé comme arrimer ces deux possibilités.

En fait, je voulais rester dans ma discipline (travail social), tout en pouvant acquérir de nouvelles compétences et obtenir un nouveau diplôme pour mon CV. Grâce à internet, j’ai réussi à trouver des universités francophones qui proposaient des programmes de second cycle en travail social. De nouveau, le Québec s’est révélé pour moi la meilleure province au niveau linguistique (je vous passe les maigres détails de mes compétences en anglais…). Et en plus, j’avais l’avantage d’avoir un DEASS, seul diplôme bénéficiant d‘un arrangement de reconnaissance mutuelle avec l’OTSTCFQ (Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec) comparativement aux ordres des autres provinces canadiennes.

J’ai choisi de postuler seulement à l’École de travail social de l’UQAM (Université du Québec à Montréal) pour entreprendre la maîtrise en travail social. Il faut se positionner plusieurs mois à l’avance pour postuler depuis l’étranger, c’est-à-dire, que j’ai envoyé ma candidature en février 2016 pour une rentrée en septembre 2016. Il faut aussi savoir que les programmes de travail social sont souvent contingentés : le nombre de places est limité donc plus le dossier de candidature est excellent, plus on a de chance. Je pense que mes expériences professionnelles et mes lettres de recommandation ont ajouté une plus-value à ma candidature, car j’ai été acceptée avec une bourse de recrutement* de la Faculté des sciences humaines.

Une fois l’acceptation obtenue, il faut entreprendre toutes les démarches d’immigration. Comme le Québec et le Canada se partagent les responsabilités en matière d’immigration, il faut d’abord demander son CAQ (Certificat d’acceptation du Québec), et s’il est accordé, il faut poursuivre en demandant son permis d’étude au Canada. Toutes ses démarches ont un coût. J’avais anticipé cet aspect financier en travaillant en plus de mon emploi à l’APMV. Durant un an et demi, j’étais aussi ASS dans un SSR (Soins de suite et de réadaptation) pédiatrique 1 jour et demi par semaine (vendredi/samedi).

Concernant le programme de maîtrise, je propose toujours de regarder directement sur le site des universités tant il est riche et diversifié au niveau de ses cours à travers le Québec. Habituellement pour la maitrise en travail social, il y a deux profils de formation : un profil « mémoire de recherche » qui mène à la réalisation d'un mémoire de recherche et un profil « mémoire d'intervention » qui mène à la réalisation d'un mémoire d'intervention. Pour ma part, j’ai réalisé un mémoire de recherche sur L’expérience des diplômées d’État assistante de service social Françaises exerçant dans le domaine du social à Montréal : processus migratoire, stratégies d’acculturation en emploi et identité professionnelle (Liatard, 2020). Pour information, les diplômes universitaires en travail social du Québec (baccalauréat et maîtrise) donnent accès au permis de T.S. délivré par l’OTSTCFQ.

* Cette bourse vise le recrutement d’étudiant.e.s avec un très bon dossier académique.

ET APRÈS MA MAÎTRISE ?

Durant mon parcours d’immigration, j’ai souvent entendu cette double question : Tu restes au Québec ?, Tu retournes en France ?, de la part de ma famille, mes ami.e.s, mes collègues de travail… et moi-même je me la pose. J’ai réalisé, grâce à ma recherche, que je ne suis pas la seule à vivre dans cette (in)décision et les remises en question de mon immigration, tout en étant grandement consciente de mes privilèges en tant que citoyenne française. Je pense que la situation de pandémie mondiale participe encore davantage aux réflexions migratoires, car dans le cadre de mon immigration choisie, je la conçois envisageable dans la mesure où je peux retourner régulièrement voir ma famille et mes ami.e.s en Europe.

Au départ, j’ai immigré au Québec avec l’idée que la maîtrise durerait 2 ans (un peu comme le master en Europe) et que je retournerais en France reprendre ma vie professionnelle d’ASS en étant peut-être formatrice dans un institut de formation en travail social et/ou en proposant de la supervision. Mais j’ai terminé la maîtrise en travail social en novembre 2020 (4 ans après) et j’ai travaillé en parallèle de mes études, car mon permis d’étude m’a permis d’exercer 20h par semaine. J’ai pu devenir travailleuse sociale au Québec avec mon cœur d’assistante de service social. J’ai développé un fort réseau social et professionnel et je suis impliquée dans des projets qui me tiennent à cœur*. Depuis juillet 2019, j’ai un emploi permanent et j’aspire à poursuivre sur mon poste à Montréal grâce à mon permis de travail post-diplôme. Les démarches pour la résidence permanente sont lancées, alors aujourd’hui je crois qu’on peut dire qu’à court/moyen terme je continue ma vie ici, tout en (re)gardant mes racines en France. Finalement, j’ajouterais que souvent ce sont aussi les politiques d’immigration qui décident pour nous…

* J’ai réalisé plusieurs vidéos sur mon parcours de la France vers le Québec par ici sur ma chaîne YouTube Une assistante de service social à Montréal.

QUELQUES MOTS POUR CONCLURE...

Récemment, je lisais un article qui proposait de se revoir plus jeune et de se dire un mot en tant qu’adulte. Voici ce que je pourrais dire pour cette conclusion : Tu ne t’imagines même pas tout ce que tu vas accomplir. Un diplôme en France, un diplôme au Québec, une pratique en France, en Côte d’Ivoire et au Québec. Tu ne sais pas encore mettre des mots sur les valeurs qui t’animent déjà, comme la justice sociale et le respect des droits, mais tu apprendras bientôt que Le travail social c’est essentiel et tu le chanteras même avec ton amie Chloé ! Il y aura des obstacles mais aussi de nombreux moments de joie, alors garde bien tes projets en tête, car certains ne se réaliseront peut-être pas, mais y penser te fera avancer. Entreprendre des études dans un domaine ne doit pas te cantonner à rester statique dans une profession, continue de te nourrir professionnellement pour évoluer mais reste humble. L’identité professionnelle n’est pas définie, elle reste un construit social par l’intermédiaire des différentes socialisations, alors, partir à la rencontre de l’Autre semble est un excellent projet. »

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