Réseaunance

Réseaunance / n°16

Le 13/05/2020

Formation en travail social et inclusion des personnes en situation de handicap : une année préparatoire pour les personnes sourdes et malentendantes

Les établissements de formation en travail social sont de plus en plus sollicités par des candidats avec des handicaps divers (physiques, sensoriels, etc.), qui souhaitent s’orienter vers les métiers de l’intervention sociale.

Dans cet article, nous vous présentons l’année préparatoire pour des personnes sourdes organisée depuis plusieurs années par l’EFPP, Ecole de formation psychopédagogique, située à Paris.

  • A noter - Cette année préparatoire est une proposition seulement, en effet, les étudiants, qui se présentent avec les prérequis classiques exigés pour tout candidat, peuvent postuler pour l’entrée directe en cursus.

PRESENTATION DU DISPOSITIF

Depuis 1981, l’EFPP propose aux personnes sourdes et malentendantes une préparation en vue de l’entrée en formation initiale d’éducateur spécialisé (ES), et depuis 2013, d’éducateur de jeunes enfants (EJE). Ce dispositif préparatoire, initié à une époque où les études supérieures étaient difficilement accessibles aux personnes en situation de handicap, permettait l’accès à un diplôme professionnel d’études supérieures. Cette année préparatoire propose aux candidats intéressés par la formation d’éducateur spécialisé et/ou d’éducateur de jeunes enfants, une première approche de la dynamique de formation (alternance entre cours et stages) par une sensibilisation aux contenus et aux productions qui seront à fournir lors de la formation. Cela leur permet aussi d’appréhender ce que sont le travail en équipe et des réalités d’un secteur en constante évolution.

  • Pour bénéficier de ce dispositif, soutenu par le conseil régional d’Ile-de-France, les étudiants sourds doivent obligatoirement être reconnus Travailleurs Handicapés.
La région Ile-de-France soutient ce dispositif « année préparatoire » en finançant l’emploi d’interprètes en Langue des signes française (LSF) et les temps pédagogiques. Toutefois, la présence d’interprètes LSF n’est en place qu’une année sur deux, donc, tout candidat souhaitant bénéficier de ce dispositif adapté doit entrer lors du cursus correspondant (en effet, il est impossible financièrement et humainement de pourvoir aux besoins de toutes les promotions en cours de cursus chaque année).

L’EFPP prend en compte la difficulté spécifique des étudiants sourds dans leur rapport à la langue française écrite et les efforts déployés pour réussir un parcours scolaire jusqu’au baccalauréat et au-delà. Cependant, ce parcours a parfois laissé peu de temps pour s’exercer à des activités éducatives, préalables à la formation, ce que permet cette année préparatoire.

Cette année préparatoire, s’adressant aux candidats qui le souhaitent, a pour objectifs de :

  • Vérifier avec chaque étudiant la motivation et la pertinence du choix de formations pour les étudiants sourds,
  • Sensibiliser les candidats à une démarche méthodologique de l’expression verbale (l’écrit et l’oral / LSF (langue des signes française) et à une dynamique de formation en alternance,
  • Initier les personnes aux disciplines qui seront abordées en formation.

Elle permet donc à chaque candidat d’être plus à l’aise en arrivant, avec des bases et une sensibilisation aux métiers, ainsi qu’une connaissance du centre de formation.

Pour Marijane Loizillon, Formatrice responsable de projet à l’EFPP : " L’année préparatoire représente pour les candidats une opportunité de vérifier l’adéquation entre leurs souhaits, leurs aspirations et le dispositif pédagogique proposé par l’EFPP visant la préparation aux diplômes d’état AES, ES, EJE. Cette année de transition entre la scolarité et l’enseignement supérieur peut aussi leur permettre de gagner en confiance et en autonomie. L’année préparatoire représente pour les candidats une opportunité de vérifier l’adéquation entre leurs souhaits, leurs aspirations et le dispositif pédagogique proposé par l’EFPP visant la préparation aux diplômes d’état AES, ES, EJE. Cette année de transition entre la scolarité et l’enseignement supérieur peut aussi leur permettre de gagner en confiance et en autonomie. "

Environ 10 à 12 candidats se présentent à l’entrée à la formation préparatoire lors de chaque session.  

LES AXES PEDAGOGIQUES DE L’ANNEE PREPARATOIRE

Pour entrer dans cette préparation, les candidats doivent passer un entretien d’admission s’appuyant sur un écrit de leur production portant sur leurs motivations, leurs expériences et leurs attentes. Organisée tous les 2 ans de septembre à mars, celle-ci propose une alternance entre les cours et les stages professionnels :

8 semaines de regroupement

(de 30h à 32h par semaine)

(approche psychologique, approche éducative et pédagogique, sensibilisation au cadre juridique, atelier d’écriture, atelier langage-écriture, groupe de parole, groupe d’analyse des pratiques, initiation aux médiations éducatives, rencontres d’étudiants ES et EJE, bilans individuels des travaux individuels et pédagogiques, etc.)

2 stages

(21 semaines environ à temps plein)

(un dans le champ de la petite enfance et un dans l’éducation spécialisée – objectif : découverte d’une structure et de pratiques professionnelles à travers la participation à une dynamique d’équipe, observation de la fonction éducative au regard des situations et des publics rencontrés)

Le dispositif comprend aussi :

  • la traduction des cours en LSF,
  • une entraide pour la prise de notes des cours,
  • un accompagnement individuel et collectif de la responsable pédagogique.

> lien vers le projet pédagogique

L'évaluation de cette année préparatoire est prise en compte pour entrer en formation d'éducateur de jeunes enfants ou d'éducateur spécialisé. Elle vient alimenter le dossier Parcoursup par lequel les candidats aux formations ES et EJE sont soumis. Pour les candidats AES, l’année préparatoire se conclut par le passage des épreuves de sélection (écrite et orale) pour l’entrée en formation).

En 2012, l’EFPP a souhaité élargir le dispositif à la formation au CAFERUIS (certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale). Trois candidats ont suivi la préparation depuis, deux candidats ont obtenu le CAFERUIS.

La prochaine rentrée « année préparatoire » est programmée en septembre 2020 (pré-inscription en ligne à compter du 1er octobre 2019).

L’ORGANISATION PEDAGOGIQUE

Un cadre de direction est référent du dispositif sourd et une formatrice – responsable de projet de l’EFPP assure la responsabilité pédagogique du groupe dans le cadre de la préparation et de l’animation en relais des cours et des ateliers conduits avec d’autres formateurs de l’EFPP ou des intervenants professionnels externes.

La responsable incite les formateurs-intervenants à distribuer aux étudiants le plan de leur cours et le contenu. Il s’agit de proposer un support pédagogique pertinent (visuel).

Des interprètes en LSF assurent la traduction de tous les cours et chaque étudiant bénéficie de 4 heures par mois d’interprétariat en LSF lors des réunions d’équipe durant le stage.

Pour la session de septembre 2018 à mai 2019, l’EFPP a fait appel à environ 150 interprètes en LSF auprès de services spécialisés.  

« Tout en faisant preuve de rigueur et de bienveillance, cette année préparatoire permet aux formateurs de prendre du recul par rapport à leurs pratiques, de devoir s’adapter face à certaines situations (par exemple : défaillance d’un implant) et de faire évoluer la pédagogie. » Stéphanie Rohrbach- formatrice.

LES PERSPECTIVES DE CETTE PREPARATION

Depuis sa création en 1981, cette année préparatoire a permis à 50 personnes sourdes ou malentendantes d’être diplômées EJE ou ES.

A titre d’exemple, voici le bilan global de la session septembre 2014 – mai 2015 :

4 candidats présentés à l'entrée en préparatoire
4 candidats admis après l'examen d'entrée en formation
4 candidats entrés en année préparatoire
4 candidats ayant suivi l’année préparatoire
2 candidats ayant été diplômés EJE ou ES

Cependant, « l’insertion professionnelle des candidats sourds diplômés reste difficile en dehors des structures spécialisées employant des personnes avec ce type de handicap, même si l’exercice du métier par des personnes sourdes ou malentendantes est possible dans l’ensemble des établissements du secteur social et médico-social, comme on peut le voir lors des stages effectués au cours de leur formation », comme le précise Patricia McCallum, Directrice de la formation continue et supérieure à l’EFPP.

Certains étudiants sourds ou malentendants diplômés, qui sont des professionnels depuis plusieurs années, interviennent lors des formations dispensées par l’EFPP.

POUR CONCLURE…

Cette préparation offre un potentiel et une ressource qui enrichissent les pratiques pédagogiques, et plus globalement le secteur des métiers du social. Mais un travail important reste à faire pour l’emploi des personnes en situation de handicap sur des postes de travailleurs sociaux.

D’autres dispositifs ont ainsi été mis en place au sein du réseau UNAFORIS, notamment depuis 4 ans : le dispositif OASIS-Handicap proposé en partenariat entre l’association OETH et l’UNAFORIS pour permettre aux personnes en situation de handicap de suivre une pré-formation aux métiers du social.