Réseaunance

Réseaunance / n°14

Le 12/04/2019

Une recherche action formation sur la prise en charge des troubles psychiques et traumatiques des migrant-e-s en structures d’accueil françaises et catalanes

 

Dans le cadre de la valorisation des travaux de recherche menés par les Etablissements de formation en travail social et leurs partenaires, nous vous proposons de découvrir une recherche action formation relevant du programme européen de prospective transfrontalière sanitaire et sociale, ProspecTsaso, sur la prise en charge des troubles psychiques et traumatiques des migrant-e-s en structures d’accueil.  Celle-ci a été menée par Slimane Touhami, Formateur chercheur au CRFMS ERASME (Toulouse) et avec  Henri Santiago-Sanz, formateur.

 

POURRIEZ-VOUS VOUS PRESENTER EN QUELQUES MOTS ?

J’ai initialement un doctorat en anthropologie sociale de l’EHESS. Depuis 2002, j’interviens dans les centres de formation en travail social et dans les universités depuis 2007. Je suis formateur chercheur au CRFMS ERASME depuis 2014.

Mes principaux domaines d’intervention sont l’immigration, la santé psychique, l’ouverture à la sociologie et à l’anthropologie ainsi que l’initiation aux approches qualitatives dans une perspective théorique et pratique.

 

QUEL EST LE THEME DE VOTRE ACTION ET POURQUOI CETTE RECHERCHE ACTION FORMATION ? SON CONTEXTE ? SON DEROULEMENT ? 

Menée dans le cadre du projet européen ProspecTsaso (Axe : Promotion de la santé et réduction des risques), cette recherche action porte sur la prise en charge des troubles psychiques et traumatiques des migrant-e-s en structures d’accueil françaises (Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), Maison d’enfants à caractère social (MECS), Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et catalanes (Centros de Acogida de Refugiados (CAR))…

Enfant de migrant, cette recherche part d’abord d’une histoire personnelle, mais aussi de ce que l’on entend sur la souffrance psychique et traumatique dans les institutions. En effet, de plus de plus de structures accueillent des migrants (CADA, MECS mais aussi CHRS) et doivent composer avec un phénomène qui tend à s’accroître dans des contextes d’exil et d’accueil toujours plus contraignants. On a pu remarquer auprès des professionnels en lien avec ces populations un sentiment de manque de moyens qui impactent les pratiques. Avant d’intervenir dans les formations en travail social, j’avais déjà repéré ce problème, notamment en Centre médico-psychologique (CMP), lors d’enquêtes sociologiques dans le cadre de mon travail au laboratoire LISST-CERS de l’Université Jean Jaurès de Toulouse. J’ai voulu étendre cette interrogation au champ de l’accompagnement social lorsque l’opportunité s’est présentée.

Débutée en 2016, les participants de cette recherche sont :

Porteur de la recherche Partenaires hispano-catalans

CRFMS ERASME de Toulouse

www.erasme.fr

 

Universidad de Barcelona

www.ub.edu

 

CCAE de Figueres

(Conseil général d’Alt Empordà - province de Gérone)

www.altemporda.org

 

Cette recherche action formation s’est déroulée en deux temps :

 

QUELS ONT ETE LES RESULTATS DE CETTE RECHERCHE ACTION ? LES SUITES ?

Cette recherche action d’une durée de 3 ans est actuellement en cours de finalisation (année 3).

Notre objectif de départ était que l’enquête de terrain devait permettre de déboucher sur un certain nombre de préconisations et de propositions de bonnes pratiques afin d’améliorer le repérage et la prise en charge des troubles psychiques et traumatiques des migrant-e-s, mais aussi de mieux humaniser l’institution aux différents stades de l’accompagnement.

En dehors des livrables constitués d’un module de formation et d’un réseau transfrontalier de partenaires institutionnels, le projet reste d’abord porté par un faisceau d’intention : sensibiliser les différents professionnels aux impacts du déracinement et du choc culturel ;   ouvrir  le champ des  connaissances à  des approches encore trop peu mobilisées comme la clinique de l’exil ou les ethnopsychiatries ; favoriser la rencontre hors les murs comme moteur de réflexivité, de créativité et d’innovation, composer dans ses pratiques avec les savoirs d’expériences des personnes accompagnées, autant de préconisations qui s’inscrivent dans la promotion d’un accompagnement social inclusif et engagé… 

Deux produits résultent de cette recherche action :

Les résultats de l’enquête seront également diffusés sous forme de publications et de séminaires en vue de contribuer, dans une perspective transfrontalière, à l’amélioration qualitative de l’accueil en institution aux différents stades de l’accompagnement global (qualité de l’accueil, gestion du quotidien, anticipation de la sortie et de ses conséquences etc…) et de l’accompagnement à la santé somatique et psychique.

Cette recherche lance ainsi une dynamique, qui nous l’espérons, va perdurer dans le temps. Elle nous amène à voir au-delà des murs physiques et symboliques qui segmentent le champ des pratiques : aller vers l’extérieur permet de repenser ses savoirs et savoir-faire, de mutualiser les regards,  de croiser les interrogations. C’est aussi  enrayer la dynamique du repli et de la solitude, le cycle de l’urgence et des logiques institutionnelles mais aussi disciplinaires en œuvrant pour plus de transversalité.

 

POUR CONCLURE...

Cette recherche action formation fait écho à l’actualité chaude du travail social, car de plus en plus de personnes sont abîmées par l’exil.

Je pensais trouver un vide du côté du travail social. Le sentiment d’être démuni devant la souffrance de l’autre peut être parfois criant toutefois, la nature a horreur du vide, donc on va essayer de créer avec ce que l’on a à disposition. Même si on est démuni en terme de budgets, de réseau, de temps et de savoirs, on essaye malgré tout de trouver des solutions, aussi bancales soient-elles. L’intention est louable et elle mérite d’être soulignée. La notion de « bricolage » revient d’ailleurs très régulièrement dans les discours des professionnels interrogés des deux côtés de la frontière.

Cette recherche action formation nous a amenés aussi  à toucher du doigt la question des effets induits par un monde soumis à des transformations toujours radicales et qui nous amène à réinterroger la question des flux humains, de la frontière, des identités et bien entendu des outils à disposition des travailleurs sociaux pour être en phase avec un contexte émergent. C’est ce qui nous a amené aussi à promouvoir,  à travers ce travail,  une approche inclusive pour mieux prendre en compte les préoccupations des personnes accompagnées en favorisant, quand c’est possible, la collaboration entre accueillants et accueillis.