Réseaunance n°1

Le 15/03/2016

Réseaunance

 

 

n°1

 

 

Le projet KILT, Knowledge identity language tools 

 

KILT

Le projet KILT a pour objectif de fournir des outils linguistiques et culturels pour faciliter la relation à la personne accompagnée. Retour sur le projet avec Xavier Baylac, Directeur général* de l'AFMR (Association pour la Formation en Milieu Rural) d'Etcharry. 

 

> Pouvez-vous nous dire en quoi consistait le projet de départ ? Avec quel constat et quels objectifs ?

Projet KILTTout d’abord, ce projet est piloté principalement par l’AFMR, qui est le chef de fil du projet, donc nous assurons un rôle de coordination, le suivi des séquences de travail, la gestion financière de l’ensemble du budget, que l’on redistribue à l’ensemble des partenaires. Il est co-écrit avec certains de nos partenaires et s’est enrichi d’autres partenaires.

Le projet de départ est d’abord un constat partagé entre plusieurs pays et partenaires européens sur des métiers très différents les uns des autres. Par exemple, côté Catalan et Ecossais, vous avez des personnels de santé qui sont notamment en charge de l’accueil et des soins sur toutes les populations migrantes qui arrivent en Ecosse et en Catalogne. Sur l’Italie et la Slovaquie, on a plutôt des personnels qui sont rattachés à des dispositifs d’insertion sociale et qui ont notamment en charge l’accompagnement et l’éducation des populations des communautés étrangères, des communautés Roms en Slovaquie et par exemple en Italie, tous les migrants qui sortent de prisons. Et pour la France, on était sur une situation un peu particulière, notamment au niveau du Pays Basque, où si on prend les métiers d’auxiliaire de vie sociale ou d’aide médico-psychologique, on avait des décrochages de plus en plus marqués entre les publics accompagnés et la nature des professionnels qui intervenaient à leurs côtés, notamment sur les problématiques de la langue basque.

On s’est ainsi rendu compte que l’une des difficultés rencontrée par l’ensemble de ces professionnels, était de pouvoir comprendre et d’accéder à la culture de l’autre, de manière à pouvoir lui transmettre des messages sur la raison de la prise en charge ou du soin, ou des explications sur la modalité d’accompagnement qui allait être développée.

Le point de départ était initialement que tout cela était une question de langage, sauf qu’à l’arrivée, quand on a fait le décompte de l’ensemble des langues ou dialectes que devaient maîtriser ces professionnels, on était à plus d’une centaine de langues. Sur la prison de Bologne, par exemple, il y avait 80 nationalités différentes. Il était inenvisageable du coup de construire des réponses formatives ou d’une autre nature sur une simple question linguistique. Plus le groupe des professionnels a travaillé, plus il s’est surtout centré sur une question pas tant de la langue, que de la compréhension, de la découverte de l’identité de la personne. Après tout, même si on ne maîtrisait pas la langue, mais si on faisait l’effort d’être dans la curiosité de l’identité de l’autre, on arriverait toujours à trouver des astuces, des jeux pour faire passer un message et pour recueillir un message. C’est donc comme cela que le projet KILT s’est tranquillement installé sur quels sont les outils ou les séquences formatives qui pourraient être proposés à des professionnels leur permettant effectivement d’avoir une plus grande ouverture à l’identité de l’autre et peut être du coup d’arriver à générer des nouvelles formes de réponses sur la prise en charge, le soin ou l’accompagnement. 

 

> Le projet a été rallié par des partenaires en Italie, Ecosse, Espagne et en Slovaquie. Comment le projet s'est-il organisé ?

Kilt partenairesCertains d’entre eux sont des partenaires de longue date, notamment les partenaires italiens qui sont un peu nos homologues sur les métiers de l’accompagnement quotidien, et que nous les connaissons depuis une quinzaine d’années. Eux avaient un partenaire principal qui était l’agence régionale de santé de la région d’Emilie-Romagne, qui est l’équivalent de notre ARS. Celle-ci fonctionne en réseau avec d’autres agences régionales de santé en Europe, ce qui nous a permis de nous retrouver avec l’équivalent de l’ARS et des hôpitaux de Barcelone, et avec le Ministère de la Santé en Ecosse et sa délégation régionale dans la région d’Edimbourg, que l’on connaissait déjà, étant donné que nous avions travaillé avec eux sur la question carcérale il y a une dizaine années.

On avait une entrée projet assez bornée, même si après le projet a fait bouger les lignes au regard de ce que les professionnels voulaient en faire.

 

> Avez-vous travaillé tous ensemble ou pays par pays ?

Programme européenBien souvent pour des projets européens, autrefois Léonardo, Equal, ou maintenant Erasmus, on pouvait très bien avoir des situations où on se mettait d’accord sur un thème, chacun de son côté allait travailler, et de temps en temps, on échangeait.

Le choix que l’on a fait, était de constituer des groupes de travail multi-partenariaux, c’est-à-dire qu’on a créé des sous-groupes à chaque fois avec un ou deux représentants par pays pour travailler la question des enjeux ou la question des besoins par exemple, de manière à être vraiment un espace commun quelles que soient les considérations et les spécificités de chaque pays ou de chaque institution dans chaque pays. Donc en fait, on a créé autant d’ateliers qu’il y avait de questions à traiter, et à chaque fois, il n’était pas fermé seulement sur une lecture nationale, ce qui a demandé que l’on constitue aussi des groupes où les gens puissent communiquer, ce qui n’était pas forcément simple, mais on y est arrivé.

 

> Comment les outils pédagogiques ont-il été développés ? 

KILT

L’AFMR d’Etcharry a assuré sur ce projet la coordination et la dimension de chef de file, ce qui veut dire qu’en fonction du recueil des travaux et des réflexions, on essayait au fur et à mesure de traduire cela -c’était la commande des professionnels- sur des micro-séquences de formation. Donc le projet KILT se traduit aujourd’hui par des séquences formatives qui font entre 1 heure et 4 heures. Etant donné qu’il y a tellement d’écarts de situations entre les différentes configurations, l’essentiel n’était pas tant de faire des séquences que de créer des outils ludiques qui permettaient en fait aux acteurs de s’enrichir par des éléments spécifiques, sociologiques, anthropologiques, et ainsi de suite, et que ces différents outils ou espaces de jeux ou des situations de jeux de rôles permettent d’appréhender cette question de comment je pars à la découverte de l’identité de l’autre, mais aussi tout compte fait, comment moi je travaille ma propre identité, ma propre culture. L’intérêt de ces outils est qu’une fois que ces professionnels se sont formés, ils peuvent aussi eux-mêmes les utiliser avec leur public. On a essayé d’avoir une logique de petites séquences formatives, même si les 10 séquences peuvent s’enchainer sur la totalité, mais chacune peut aussi être prise de manière spécifique, de manière à ce qu’elle réponde à une question, cela permet à la personne formée, au participant, de gagner un peu en richesse, en curiosité, mais c’est aussi pour lui redonner d’autres outils que lui peut développer, mettre en scène avec ses propres publics.

 

> Comment se sont passés les tests des outils dans les différents pays ? 

Au début, on avait une vingtaine d’outils qui ont pratiquement tous été testés dans les différents pays, par les différents partenaires, ce qui a permis de les adapter. On s’est rendu compte que certains n’étaient pas bien ou n’étaient pas forcément utiles, donc ce qui a permis de les adapter ou d’en faire disparaître ou d’identifier des astuces que l’on n’avait pas vues au départ ou de créer des outils supplémentaires.  

Une note de synthèse sur la logique de la construction, le cheminement à travers l’ensemble des modules et des micro-fiches sur les outils a été réalisée (cf. lien ci-dessous). Les fiches techniques de déploiement d’outils vont être finalisées pour être mises sur un espace ouvert en libre accès à partir d’octobre 2015, car nous avons fait le choix de ne pas détenir de propriété exclusive sur les outils.

 

> KILT a débuté en septembre 2013 et se termine en septembre 2015. Quel bilan pouvez-vous dresser ? Quelles en sont les suites ?

Par rapport à d’autres projets sur lesquels j’ai pu travailler - l’AFMR étant engagée sur des projets d’innovation et de coopération depuis une quinzaine d’années -, c’est un des rares projets où tout compte fait, il y a vraiment un travail de proximité, d’échanges, de concertation entre les professionnels de terrain et des formateurs en travail social ou des formateurs sur le champ du sanitaire et du médico-social. Ce qui veut dire que ce qu’ils sont arrivés à fixer, à produire, ce sont des choses qui sont dans leur usage. Donc j’ai moins d’inquiétudes avec un projet de cette nature là sur la façon dont il pourra vivre au delà du terme du financement. Nous, par exemple, du côté d’Etcharry au sein des formations AMP, AVS et ES, on a déjà intégré certains de ces outils dans les maquettes pédagogiques. C’est facile, car ce sont des petites séquences. L’intérêt était aussi que cela puisse être développé avec les usagers, les bénéficiaires. Donc cela veut dire que l’on a commencé à intégrer tout ce matériau dans notre propre dynamique pédagogique.  Ce qui représente un constat satisfaisant.

L’autre point est que nous avions la chance d’avoir de gros partenaires, que sont les agences régionales de santé et les hôpitaux. Au dernier point de rencontre que l’on a eu en juillet, avant la séance de clôture qui aura lieu fin septembre, tous se sont dits que cela a fait pointer d’autres logiques pouvant nous conduire à adapter le système -qui est très contraint-, et à travailler des idées au delà, par exemple, sur des projets ou sur un réseau quotidien d’échanges de pratiques entre les professionnels.

Un autre objectif du projet était que les outils pourront être mis en place dans tous les établissements de formation. L’intérêt était d’éviter de tomber sur quelque chose d’ultra spécifique. Par exemple, on a des outils qui sont des clés de compréhension anthropologiques et sociologiques sur la notion d’habiter, habiter un territoire, choisir un mode de vie, etc. Quand on le met en scène, on le met en scène localement ici avec une connotation, en tout cas une coloration culturelle très spécifique sur la dimension de vivre en pays basque. Ceci dit l’outil peut être utilisé en Corse, en Haute-Savoie, il suffit juste d’adapter la posture ou l’exemple qui sera mis en support. Quand on est sur des modalités de communication, notamment sur le travail communautaire, avec des outils qui sont soit l’Aquarium, soit la mise en place de focus group, qui ont vocation à pouvoir être utilisés à Edimbourg ou à Barcelone ou à Bayonne, à priori, ils peuvent aussi être mis en place à Paris ou n’importe où ailleurs. On ne dit pas que ces outils sont parfaits, mais ils n’on pas été réfléchis et élaborés dans une espèce d’ultra spécificité de contexte qui fait qu’ils ne seraient pas reproductibles ou transférables.

Initialement, nous étions sur un projet Léonardo transfert d’innovations, dorénavant on est sur des dispositifs ERASMUS, ERASMUS +. L’intérêt que l’on peut y trouver, était d’être sur une opportunité financière pour des projets suffisamment bien «  ficelables » financièrement, pour nous faire dire qu’on y allait.  Aujourd’hui, la logique financière a été revisitée et est plus stricte, donc ces projets là ont du sens si on est bien sur le cœur de compétence d’une institution et si on est sur des questions qu’elle s’était déjà posée. Parce que sinon l’investissement est très lourd, et n’est pas forcément « une opération blanche ». Pour avancer sur cette logique, elle offre des opportunités d’oxygénation aux formateurs ou aux professionnels, mais il faut déjà qu’elle soit un objet de travail en interne, en l’occurrence. Pour nous, la question de comment faire en sorte que des publics AMP gagnent en culture et en partage sur l’identité et la culture du pays basque, quand vous êtes en pleine montagne dans un EHPAD, c’est un peu compliqué, vous n’avez pas de repères, donc ce sont des sujets sur lesquels on avait déjà un peu anticipé le besoin ou du moins sur lesquels on s’était dit qu’il fallait qu’on adapte les dossiers pédagogiques. Un projet européen vient appuyer cette dimension là, si vous n’avez pas ce point de départ, quelque chose qui vous amène à travailler, l’aventure est risquée.

 Avant de débuter le projet en septembre 2013, cela faisait un an ou deux que l’on était sur ces questions. L’opportunité du projet européen est venue nous faciliter un travail d’ingénierie que l’on devait mettre en scène de toute façon. 

C’est un avis personnel sur l’attention ou la vision qu’il faut avoir sur ces projets.

 

Suite à la fin du projet de deux années financées par l'Europe, le consortium créé à cette occasion va être pérennisé sous le nom de KILT : Knowledge Identity Language Team, avec pour objectif premier de disséminer les outils développés. Puis de voir quelles perspectives donner à cette dynamique européenne.

 

> Pour plus d’informations : http://www.kilt-project.eu/fr/

> Télécharger le livret de formation ici

> Contact : Fantxoa HASTARAN, Coordonnateur du projet à l'AFMR - f.hastaran@afmr-etcharry.com

 

* jusqu’au 30 septembre 2015 

(Propos recueillis le 28 août 2015)