Réseaunance

Réseaunance n°6

Le 29/05/2017

Un module de formation co-construit
entre des personnes accompagnées et l'IRTS Hauts-de-France

 

Un module de formation intitulé " Accompagner les personnes en situation de précarité et d'exclusion " a été organisé du 2 au 8 septembre 2016 à l'IRTS Hauts-de-France, module co-construit avec des personnes accompagnées et accueillies.

Retour sur cette formation avec Donatienne GALLIOT (DG), Responsable de formation, et Dominique POIZOT (DP), Cadre pédagogique.

 

> Tout d'abord, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? 

DG : Actuellement, je suis responsable de formation pour les éducateurs spécialisés. Je suis arrivée à l’IRTS Hauts-de-France en 2007 comme cadre pédagogique après la réforme de la formation des éducateurs spécialisés. Educatrice spécialisée de formation, j’ai travaillé dans le champ de l’insertion sociale et professionnelle, notamment en tant que directrice d’une mission locale pour l’insertion des jeunes.

DP : Assistant de service social de formation, j’ai travaillé dans le champ de l’exclusion pendant une bonne vingtaine d’années. Depuis 2007, je suis cadre pédagogique à l’IRTS Hauts-de-France dans la formation d’assistants de service social.

> Comment est né le projet de formation co-construit avec des personnes accompagnées ?

DG : D’abord, il y a une antériorité à l’IRTS, puisque dans le cadre du module « exclusion », nous faisions déjà intervenir Raoul Dubois, représentant du CCRPA, Conseil consultatif régional des personnes accueillies et accompagnées.

Pascaline Delhaye, responsable de la recherche à l’IRTS, intervenait sur la psychopathologie. Dans ce cadre, Monsieur Dubois était intervenu en tant que témoin par rapport au CCRPA.

Lors d’un colloque organisé par le CNAHES, Conservatoire national des archives et de l'histoire de l'éducation spécialisée et de l'action sociale, Monsieur Dubois qui s’exprimait au nom du CCRPA, a mentionné qu’ils intervenaient dans les formations, mais aimeraient davantage participer à la construction des formations. C’est comme cela que l’aventure a commencé. Or, cela nous intéressait d’aller plus loin dans la démarche de co-construction avec les personnes accompagnées. Nous nous sommes donc appuyés sur cette proposition du CCRPA de travailler ensemble sur le contenu du module « exclusion ».

Il faut dire aussi que nous avons été soutenus par notre institution qui était tout à fait favorable pour développer cette idée.

> Comment le projet s'est-il organisé ? 

DG : On a commencé à travailler sur ce projet à partir d’avril 2016 et le module a eu lieu début septembre 2016. Pour travailler sur ce module, on a constitué un comité de pilotage. Etant donné que nous travaillions déjà avec la FNARS, nous les avons invités à faire partie du comité de pilotage. Cela nous semblait intéressant que la tête de réseau puisse être complétement partie prenante de la création de ce module.

DP : Le comité de pilotage était composé :

> au niveau des personnes accompagnées de Raoul Dubois, Dominique Calonne, représentant régional des personnes accompagnées, et Gilbert Pinteau, président du collectif des SDF à Lille,

> pour l’IRTS de Donatienne, Sylvie Peiron, cadre pédagogique dans la formation des éducateurs spécialisés, et moi-même,

> et Tiffany Thirolles, déléguée régionale de la FNARS.  

DG : Le fait de travailler dans un collectif a permis aussi de solliciter d’autres interlocuteurs : des experts de la FNARS, des praticiens, des experts, etc.

DP : On a ainsi pu réaliser des séquences pédagogiques nécessitant la présence d’experts ou permettant de proposer une dimension relativement ludique pour certaines séquences, par exemple, par la participation d’étudiants ASS et ES sur un blog autour de l’accès au droit. Cela a permis aux étudiants d’être à la fois spectateurs et auditeurs de ce séminaire, mais aussi d’échanger lors d’une séquence pédagogique sur ce blog.

DG : On a essayé de travailler sur l’apprendre ensemble. On a affiché une dynamique de travail d’équipe qui a été bien perçu par nos auditeurs. Nous n’étions pas dans une juxtaposition d’interventions, mais vraiment dans un projet commun et une cohérence d’ensemble.

> Pourriez-vous nous présenter le module de formation ? 

DG : Tout d’abord, à l’intérieur de l’IRTS, on a la chance de pouvoir travailler ensemble entre les différentes formations. Ce module « exclusion » est mené depuis plusieurs années avec l’idée que sur le terrain, les assistants de service social comme les éducateurs spécialisés se trouvent à travailler ensemble autour des mêmes questions. Ce module est donc transversal pour nous depuis plusieurs années.  

DP : Ce module d’une durée d’une semaine s’adressait aux étudiants en 2ème année de formation ASS et ES. Ce module a été réalisé en co-animation pour toutes les séquences pédagogiques. La présentation du séminaire a été faite par Raoul Dubois, Dominique Calonne, Gilbert Pinteau et nous-mêmes. On a mené cette expérimentation de A à Z, non pas simplement avec les personnes accompagnées comme participants d’une séquence de formation, mais bien dans l’élaboration complète et la co-animation complète de ce séminaire tous ensemble.

Pour cette co-formation, nous avons cherché à diversifier les modalités pédagogiques par des interventions magistrales, des ateliers, des jeux de rôle animés, etc.

DG : Lors des réunions du comité de pilotage, nous avons choisi les thématiques de travail que l’on souhaitait aborder, en partant d’une question : de quoi ont besoin les personnes en formation de travailleur social pour mieux répondre aux besoins des personnes accompagnées sur le terrain ? 3 thématiques ont été identifiées comme étant les plus importantes, notamment pour les CCRPA : le logement, la santé et l’insertion professionnelle. Un de nos objectifs était de remettre au centre des préoccupations des travailleurs sociaux certaines thématiques. Nous avons ainsi décidé de traiter la question de l’insertion professionnelle qui était moins abordée dans les modules de formation des ASS et des ES.

On a choisi de proposer aux étudiants une vision complexe  des thématiques avec des interventions en sociologie, en psychologie et en économie.

> Quels ont été les retours des étudiants ?

DP : A l’issue de la dernière séquence pédagogique, on a fait un retour à chaud très rapide. Ce séminaire interactif a montré tout son intérêt : pour certains, un renforcement des connaissances du secteur, et pour d’autres, une découverte, puisque tous les étudiants n’ont pas la possibilité de faire un stage dans le champ de l’exclusion. La particularité de proposer une co-formation a été, pour eux, très « parlant », très captivant et pragmatique. On a distribué dernièrement une enquête plus élaborée à nos étudiants. Elle sera traitée par Pascaline Delhaye, responsable  de recherche à l’IRTS, pour tirer la substantifique moelle de l’intérêt porté par les étudiants à la manière dont on a réalisé et co-animé ce séminaire.

DG : En lien avec la mobilisation de la FNARS et du CCRPA, on a eu aussi une forte mobilisation du réseau professionnel et des structures du territoire pour répondre aux besoins que nous avions de former les étudiants dans la découverte des différents dispositifs existants en matière de logement, de santé et d’insertion. Ce sont donc des acteurs du territoire qui sont venus aussi contribuer à cette démarche de co-formation.

Nous avons certes beaucoup de relations avec les professionnels du secteur, mais cela a été un activateur de la mobilisation des différents dispositifs sur le territoire. Pour nous, cela a aussi renforcé le lien avec le territoire de la métropole lilloise au sens large pour pouvoir former de manière adéquate les travailleurs sociaux.

> Quelles sont les suites envisagées pour ce projet ? 

DP : L’objectif est d’améliorer le projet en renforçant la participation des personnes accompagnées, mais aussi la participation des étudiants dans l’élaboration des contenus de formation. Nous envisageons aussi la « transferabilité » de cette modalité sur d’autres séminaires thématiques, comme la protection de l’enfance, le handicap, etc.

DG : L’IRTS souhaite vraiment mettre au cœur du projet pédagogique cette dimension dans différents axes de formation. C’est d’ailleurs un des axes du projet d’établissement 2017-2022. Nous avons décidé d’inscrire l’axe Participation des personnes concernées dans tous les dispositifs comme un levier de l’innovation pédagogique.

DP : Nous avons, par ailleurs, été contactés pour intervenir au colloque organisé par la DRJSCS à Amiens sur la participation des personnes accompagnées. Cette intervention se fera bien sûr à plusieurs voix. 

DG : En métropole lilloise, nous bénéficions d’un héritage, d’un terreau sur ces questions. La FNARS avait déjà beaucoup travaillé avec les représentants des personnes accompagnées. De ce fait, elle intervenait dans différents modules de formation à l’IRTS avec des personnes accompagnées. Cet héritage nous a portés pour pouvoir développer davantage cette façon de travailler.

> En conclusion…

DG : Cette co-formation requiert de la conviction. C’est véritablement un travail d’équipe qui repose sur des engagements et des postures professionnelles. Il est important que notre institution nous soutienne pour faire fonctionner ce type de dispositif.

Cela a été un travail éprouvant, car cela demande plus de temps que de le construire tout seul, mais en même temps, on y prend un vrai plaisir.

DP : Nous nous sommes situés dans une posture d’humilité et de partage des savoirs en considérant l’autre au même titre que nous. Chacun des acteurs de ce séminaire a été à la fois dans la conception, les échanges, l’interpellation, la mobilisation des personnes, et l’évaluation qui lui semblait pertinente.

- Donatienne GALLIOT, Responsable de formation - dgalliot@irtshdf.fr

- Dominique POIZOT, Cadre pédagogique - dpoizot@irtshdf.fr

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